Affublé du surnom de « Capitaine Flam » par ses camarades de virée dans les catacombes, Xavier Niel raconte comment, très tôt, il a gagné sa vie grâce au piratage de décodeurs Canal Plus puis à ses investissements dans des sex-shops. Une activité qui lui a valu un mois de préventive à la prison de la Santé en 2004, suivi d’une condamnation à deux ans d’emprisonnement avec sursis et 250 000 euros d’amende pour recel d’abus de biens sociaux.
Une fois sorti de taule, ce brave capitaine a multiplié les procédures pour diffamation à l’encontre de tout journaliste qui osait narrer ces aventures dans le porno. En 2008, l’une de ses procédures avait fait grand bruit. Vittorio de Filippis, alors cogérant de « Libération », s’était retrouvé menotté devant ses enfants parce qu’un internaute avait laissé sur le site du quotidien un message jugé diffamatoire par Niel. « Un juge un peu idiot a envoyé le directeur de "Libé" en garde à vue, se défend le milliardaire des télécoms dans son livre. Et ça je ne le souhaitais absolument pas. Je me suis rendu compte que je déconnais (…), donc j’ai arrêté les procédures. » Touchante repentance …
Sauf que le trublion a continué de « déconner ». Le 17 décembre 2012, un professeur d’économie de l’université de Paris-II, Bruno Deffains, a vu, dès potron-minet, deux policiers débouler à son domicile, accompagnés d’un expert chargé de fouiller dans son ordinateur afin de prouver qu’il bossait pour des opérateurs concurrents de Free. L’universitaire avait eu l’outrecuidance de publier dans « Les Echos » un résumé de son étude estimant que le lancement de Free Mobile allait entraîner une baisse de 6,5 milliards d’euros au sein du marché de la téléphonie, et la destruction nette de 55 000 emplois. La procédure de Niel pour dénigrement commercial a fait flop.
Le milliardaire a une manière très personnelle de décrire le lancement en grande pompe de Free Mobile, le 10 janvier 2012. Comme il est malin, il avait obtenu d’Orange un contrat d’itinérance sur la 2G et la 3G, permettant à un abonné Free de disposer d’un réseau top niveau. Ce que le milliardaire des télécoms ne dit pas, c’est que ce contrat, au montant mystère, ne s’est pas arrêté comme prévu en 2016. Il y a deux ans, Free a obtenu une prolongation jusqu’à la fin de 2025, avec la bénédiction du gendarme de la régulation des communications électroniques. Alors ? C’est qui, les pigeons ?
Après son séjour en prison, Xavier Niel a trouvé un moyen original de se refaire une virginité : acheter des journaux. En 2010, il parvient, avec Matthieu Pigasse et Pierre Bergé, à prendre le contrôle du « Monde » et des magazines « Télérama », « Courrier international », « Le Monde diplomatique », « La Vie »…
Dans son ouvrage, le médiavore se vante d’avoir cédé sa participation à un fonds de dotation pour éviter que le quotidien du soir ne tombe entre de mauvaises mains. Mais que se passerait-il si le groupe venait à perdre de l’argent ? « Rien, avec l’immeuble qui leur appartient, ils (les salariés) ont de quoi tenir trente ans, rétorque Niel dans son livre. Ça leur laisserait le temps de redresser le journal. »
Une réponse un peu simplificatrice. Selon les comptes publiés au greffe du tribunal de commerce, l’endettement à moyen et long terme du « Monde » atteignait 186,3 millions d’euros fin 2023 – presque quatre fois plus que les fonds propres. Le crédit-bail mis en place en 2020 pour acheter le bâtiment d’Austerlitz, siège du groupe, court jusqu’à 2037. Si « Le Monde » ne parvenait pas à rembourser ses traites d’ici là, le garant de l’emprunt, un certain… Niel Xavier, le récupérerait.
Xavier Niel le précise à ses lecteurs : « Je ne mange pas de caviar au petit déj, je vais au bureau pour bosser, je fais mes mails. » Quelle misère ! Le travailleur Niel oublie seulement de préciser qu’il est l’heureux propriétaire d’une dizaine d’hôtels particuliers à Paris, parmi lesquels le prestigieux hôtel Lambert (acheté 200 millions d’euros), ainsi que d’une villégiature d’été au Cap-Ferret d’une valeur de 75 millions d’euros, entre dunes et bassin.
Il n’évoque pas non plus ses fréquents allers-retours à l’hôtel Cheval blanc aux Maldives, à bord de son jet privé, ni son arrimage à la puissante famille Arnault grâce à sa compagne, Delphine Arnault, avec laquelle il a deux enfants.
Et puis il ne dit pas un mot sur son amie Mimi Marchand, la papesse de la presse people, aujourd’hui dans tout un tas de procédures judiciaires. Niel n’est pas du genre à renier ses vieilles amitiés, surtout quand elles possèdent autant de précieuses informations sur la vie des autres…
Source : https://www.lecanardenchaine.fr/medias/49126-xavier-niel-et-ses-petits-oublis