Oh ! les belles niches !
Le Grand Détournement par Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre
AVEZ-VOUS une petite idée des montants que l'Etat verse chaque année aux entreprises sous forme de subventions, de niches fiscales, de crédits d'impôt, de baisses de cotisation ? Alors prenez une chaise et asseyez-vous : 270 milliards. Oui, chaque année, vous avez bien lu. C'est trois fois le budget de l'Education. En lecteur avisé à qui on ne la fait pas, vous vous dites : « Oui, mais ces sommes servent bien à quelque chose. » Ben… pas tant que ça. Bien sûr, des PME installées en France en bénéficient, mais la plupart des chèques vont dans la poche des multinationales et de leurs gros actionnaires. Des contrôles ? Que nenni. Des sanctions, quand ces mêmes entreprises, gavées de fonds publics, délocalisent ? Vous plaisantez.
En vingt ans, le capital des 500 plus grandes fortunes françaises a été multiplié par… sept
C'est une enquête édifiante que signent les journalistes Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, qui ont épluché des dizaines de rapports et auditionné autant d'experts. En vingt ans, le capital des 500 plus grandes fortunes françaises a été multiplié par… sept. Jamais un tel écart n'avait existé entre les ultrariches et le reste de la population. Et, depuis plusieurs décennies, l'Etat accompagne, et même facilite, avec une extrême bienveillance, cette faramineuse accumulation de capital : les 500 plus grandes fortunes du pays pèsent… 1 128 milliards. Plus que le budget de l'Etat, deux fois le PIB de la Belgique.
On connaît par cœur le discours qui a justifié ces cadeaux insensés, offerts au prix de la fragilisation dangereuse de notre système social : dans un système mondialisé, si vous faites une mauvaise manière à ces milliardaires, ils s'en vont, tels des moineaux apeurés. Mais ils sont en réalité bien peu nombreux à s'exiler. Pourtant, depuis une quinzaine d'années, Sarko, Hollande et, surtout, Macron leur ont baisé la babouche. L'argent fascine. « Nous voilà désormais pays de cocagne pour ceux qui n'en ont jamais assez », écrivent les auteurs.
Il va falloir faire de sérieuses économies budgétaires. Ce livre regorge d'idées. Le vrai sujet n'est pas le modèle social, c'est le déferlement d'argent au nom d'un « ruissellement » qui n'a jamais convaincu que les gogos.
- Allary Editions, 213 p., 19 €.
Anne-Sophie Mercier