Clope de fin pour les pouches ? Le décret relatif à l’interdiction des sachets de nicotine à glisser entre la lèvre et la gencive a été publiée le 6 septembre au « Journal officiel ». Elle devrait entrer en vigueur dans les six mois. L’industrie du tabac n’a cependant pas grillé sa dernière cartouche. Elle envisage de déposer un recours devant le Conseil d’Etat.
Pour tenter de sauver leur produit, les cigarettiers se sont battus bec et ongles (jaunis). « Le lobby du tabac a accéléré ses démarches, mais ça n’a pas pris », confie un conseiller élyséen. Le 23 juillet, Yannick Neuder, le sous-ministre à la Santé, recevait encore Sophie de Menthon. La présidente du mouvement patronal Ethic, invitée de marque de Philip Morris au dernier tournoi de Roland-Garros, par ailleurs autrice et chroniqueuse pour les médias Bolloré, souhaitait défendre les pouches, « une meilleure solution », comme elle le dit au « Canard », « que de fumer sur le trottoir ». Finies les pauses clope : les patrons sont contents !
Histoire de prémunir les ados contre l’intoxication à la nicotine, Geneviève Darrieussecq, éphémère ministre de la Santé en 2024, avait décidé, en octobre de cette année-là, de bannir le nouveau gagne-pain des cigarettiers. Mais, l’Union européenne ne prohibant pas les sachets – chaque année, les industriels dépensent 20 millions d’euros pour plaider leur cause à Bruxelles –, la France a dû la prévenir de son intention. Comme l’exige la procédure, les Etats membres et les particuliers avaient jusqu’au 25 août pour donner leur avis, avant que Paris soit autorisé à publier son décret d’interdiction.
Les buralistes ne s’en sont pas privés, on s’en doute. Plus surprenant ? Le département de médecine interne de l’hôpital Lariboisière, dans le Xe arrondissement de Paris, s’y est mis, lui aussi. Le 11 avril, il dézinguait le « caractère contre-productif de l’approche française » dans une contribution envoyée à la Commission européenne.
Et l’établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris de tirer allègrement dans les pattes du ministère de la Santé en égrenant les éléments de langage de Big Tobacco : nécessité d’une « fiscalité dédiée » aux sachets de nicotine, mention d’« une perte de gains potentielle pour l’Etat » entraînant « une aggravation du déficit budgétaire français, déjà abyssal »…
Sans oublier la santé financière des buralistes, « dont la pérennité est menacée par les trafics de cigarettes ». Une prose rédigée par le professeur Stéphane Mouly, chef de service de médecine interne à Lariboisière, qui explique au Volatile avoir été sollicité par Raison de santé, une boîte de com’ à laquelle il « [rend] des services » pour des labos pharmaceutiques.
Le bon docteur, qui plaide la « naïveté », jure avoir été « instrumentalisé » par cette filiale de Havas (dont Philip Morris est un client historique), dirigé par Yannick Bolloré, fils du milliardaire réac. Havas, ce vivier d’influence… qui fournit les conseillers ministériels de la Macronie, notamment à la Santé ! La porosité, ça se soigne.
Sept pays partenaires des géants de la clope (Roumanie, Grèce, Hongrie, Slovaquie, Suède, République tchèque et Italie, où la culture du tabac fait vivre plus de 10 000 salariés) ont aussi pondu des avis pour plaider contre l’interdiction.
Cet été, Philip Morris a signé un accord décennal de 1 milliard d’euros avec Francesco Lollobrigida, le ministre italien de l’Agriculture, membre du parti de Giorgia Meloni issu d’une mouvance néofasciste. Une façon d’avoir la Botte à sa botte ?
Philip Morris s’est aussi offert une jolie campagne de pub dans la presse d’opinion hexagonale. Plusieurs journalistes ont été conviés à un road trip outre-Atlantique, pour « rencontrer certains des influents porte-parole acquis à sa cause », raconte « Le Figaro » (22/7), qui a eu l’honneur de serrer la paluche à des proches de Trump accros à la nicotine. Parmi eux, Tom Price, secrétaire à la Santé durant le premier mandat de Trump.
Le « JDD » de Vincent Bolloré (2/8) a fait preuve de plus de pudeur, ne précisant à aucun moment à ses lecteurs avoir été invité tous frais payés par le géant de la sèche. Il ne faut jamais vendre la mèche…
Source : https://www.lecanardenchaine.fr/economie/51767-la-droite-accro-a-la-nicotine